Peintmur

Thomas Bernardet

Hôte : Laurent Jourquin

Vernissage : samedi 13.05.2023 / 15h – 19h

Exposition : du samedi 13.05.2023 au samedi 17.06.2023 & sur rendez-vous

Finissage : samedi 17.06.2023

Thomas Bernardet est un collectionneur. Quand il se promène en ville, il inventorie les façades des commerces de coins de rues en en faisant des compositions photographiques archivées derrière une façade de catalogue. Quand il exécute un travail technique de construction d’exposition, il collectionne les gabarits. Quand il fait les courses, il collectionne les listes sur lesquelles chaque mot a été recouvert de raturages volontaires. On évitera alors d’isoler une œuvre de sa série si on veut comprendre le process qui l’a fait exister.

Être collectionneur consiste à exercer une attention singulière dans un contexte donné. On pourrait dire des thèmes de Thomas qu’ils sont une résistance passive à un environnement socio-économique agressif qui a transformé l’attention de l’individu en un produit ayant une valeur marchande. Comme l’attention est un filtre et qu’identifier ses sélections par l’algorithme revient à deviner les centres d’intérêts et attentes de l’individu, Il est alors facile d’anticiper ses désirs, voire de les modeler afin que le temps de cerveau disponible d’une personne serve la machine économique.

Hors du paysage numérique, Thomas Bernardet dédie son attention à des éléments qui échappent à cette machine à aspirer le temps de cerveau disponible de milliards d’individus et nous invite à nous détourner des flux d’informations qui animent le streaming mondial pour nous souvenir qu’il est possible de tout stopper afin de simplement regarder. L’attention est ici une sélection volontaire et insistante, car après avoir isolé le signe, l’artiste va s’appliquer à l’ornementer.

Opérant un nouveau glissement il passe des théorisations de l’art abstrait occidental à l’observation de l’art ornemental islamique développé sur une autre façon d’articuler les formes : la stylisation des motifs ramène les impressions visuelles à un niveau linguistique et sémantique. Le sens à donner à ce que l’on voit appartient à celui qui regarde et non à celui qui crée ou à la fonction de l’objet.* Ces questions inhérentes à la pratique de l’art islamique sont proches de celles que Marcel Duchamp a pu poser en son temps, et se sont ces points communs greffés dans deux histoires différentes qui retiennent l’attention de l’artiste. Celui-ci s’approprie la fonction d’un intermédiaire et le regardeur est priés d’ouvrir son propre bagage intellectuel pour interpréter l’œuvre d’art. Il est de nouveau maître de son attention et l’œuvre lui offre un cadre dans lequel la déployer.

Pour ce faire, l’œuvre est humble et se nourrit de matériaux modestes. Elle n’est jamais arrogante ou démonstrative. Elle est à la fois discrète, raffinée et constitue un petit refuge hors de tout, dans lequel chacun.e est invité.e à s’arrêter pour contempler des collections de signes triviaux, agencé en un langage que tout le monde peut s’inventer. Votre attention vous appartient de nouveau et l’artiste s’efface pratiquement afin de vous laisser en jouir pleinement.

*Penser l’art islamique, une esthétique de l’ornement. Oleg Grabar, Albin Michel 1996

Laurent Jourquin

Cette exposition est soutenue par la fédération Wallonie Bruxelles.