Sébastien Delvaux & Christophe Terlinden
Hôte: Laurent Jourquin
Vernissage: samedi 06.03.2021 / 16h-20h
Exposition: Du samedis 06.03.2021 au 20.02.2021 sur rendez-vous
Finissage: samedi 27.03.2021 / 16h-20h

‘Perdu’ est une exposition en roue libre, sans curateur, réalisée par deux artistes livrés à eux-mêmes. Le titre est une idée de Christophe, portant une subtile stratégie implicite : « – si on l’appelle comme ça on peut y mettre tout ce qu’on veut. » En tant qu’hôte, j’avoue n’avoir pas été rassuré par cette affirmation et pourtant le process amorcé a fait naître en moi un slogan digne d’une grande enseigne de vente d’objets au poids : « C’est n’importe quoi mais c’est quelque chose ! ».
Quand je me ballade dans mon environnement, je suis assailli de signes multiples, plus ou moins complexes. Il me faut trois dixièmes de secondes pour prendre conscience du signifiant et du signifié. Feu vert, je passe. Feu rouge, je m’arrête, stop: stop.Ces signes-là mettent en lumière la puissance fédératrice du sens commun : les signes, les codes, les règles, les lois, les conditionnements culturels qui nous conditionnent à réagir ou même à réfléchir d’une manière relativement semblable, quand on est d’une même culture…. et puis il y a le reste : ce que Lionel Naccache* nomme les accidents de collision. Ces accidents atomisent le sens commun autant qu’il déstabilise la subjectivité de celui ou celle, qui les subit. Un accident de collision c’est une erreur d’interprétation. Le cerveau se construit une certitude qui n’a rien à voir avec la réalité.
Afin d’illustrer ce qu’est un accident de collison, je vais adopter la « méthode Naccache » en vous proposant une anecdote toute personnelle . Enfant je regardais « au pays de Candy » en chantant le générique, comme tous les enfants (de ma génération) :
« et pour sortir des moments difficiles / avoir des amis c’est très utile / un peu d’astuces, des céleris / C’est la vie de Candy » Des céleris ? J’ai mis pas mal de temps avant de découvrir le mot espiéglerie qui a remplacé les céleris depuis…
Ça se corse un peu quand les signes s’attaquent aux adultes afin de perturber leur interpétation de l’environnement dans lequel ils évoluent. A partir de quel moment peut-on affimer que notre interprétation du monde est valable ? Quand savoir si notre pensée atteint la limite de ce qui lui est pensable ? Comment identifier cette limite sachant que je ne peux pas être autre que celui qui pense ce qu’il pense ? Les accidents de collision nous renvoient à notre subjectivité en nous révélant à nous-même: Le signe ne fait pas d’erreur, c’est moi qui génère une erreur intérprétative.
Par ses glissement sémantiques, ses jeux d’appropriation, ses auteurs multiples (approche participative), ‘Perdu’ est une exposition qui provoque les accidents, comme pour perdre l’amateur d’art dans un labyrinthe de signes, afin de lui proposer des briques de signifiants à s’approprier pour édifier sa propre construction en toute conscience de soi, c’est-à-dire en sachant qu’il est en train de construire une architecture parfaitement relative. Et Il quittera l’exposition sans savoir si il s’est fait embarquer malgré lui, ou si il est bien l’auteur de ce qu’il pense… parce qu’à y regarder d’un peu plus près, l’exposition « Perdu » n’est pas n’importe quoi. Tout a été pensé pour égarer afin de mieux donner à recomposer. C’est un processus développé à deux têtes et quatre mains avec minutie, avec l’intention de découper au scalpel les évidences que nous projetons sur notre environnement. Les artistes vous offrent un miroir découpé en pièces de puzzle. Il vous appartient de reconstituer votre propre image…
Laurent Jourquin
*Le chant du signe. Lionel Naccache. Ed Odile Jacob
